Les noms de sites Internet pourront enfin être rédigés intégralement dans onze alphabets non-occidentaux, allant de l’hindi au chinois, l’organisme américain qui gère le secteur les ayant enfin reconnus, comme le réclamaient depuis des années de très nombreux pays.
Aujourd’hui lundi, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Icann), basé en Californie, qui gère les adresses internet mondiales, en partenariat avec des homologues d’autres pays, va tester mondialement les noms de domaines en onze alphabets, à savoir l’arabe, le persan, le chinois simplifié et traditionnel, le russe, l’hindi, le grec, le coréen, l’hébreu, le japonais et le tamoul. Les centaines de millions d’internautes qui les utilisent pourront tester sur le site de l’Icann des adresses dans ces caractères, pour vérifier qu’elles fonctionnent. Jusqu’ici, l’Icann n’acceptait les caractères non-occidentaux que pour la première partie des adresses de sites. La dernière partie, appelée « nom de domaine » – « .com » pour les sites commerciaux ou « .cn » pour les sites chinois, par exemple – devait être rédigée en caractères latins (A à Z), ceux de la norme américaine ASCII datant des années 1960. On pouvait par exemple utiliser les caractères cyrilliques pour le début du nom d’un site mais le « .com » devait passer en caractères latins. Pour l’arabe, la première partie se tapait de droite à gauche, puis de gauche à droite pour le nom de domaine. Avec cette réforme, le nom du site pourra être entièrement en caractères non-latins. « Ce sera l’un des plus grands changements de l’Internet depuis sa création », a commenté le président de l’Icann Paul Twomey sur le site de l’organisation. Selon l’Icann, les alphabets choisis sont ceux des communautés qui ont montré le plus d’intérêt pour cette réforme. Entre difficultés techniques et problèmes politiques pour coordonner de multiples pays, il aura fallu 7 ans à l’Icann pour appliquer sa décision de rendre les noms de domaines internationaux, votée en 2000. L’intégration des alphabets multiples dans le début des noms de site date de 2003. Entre-temps, lassés d’attendre, une douzaine de pays comme la Chine, la Russie ou la Corée, ont créé eux-mêmes des adresses en alphabet local, aussi pour éviter la mainmise de l’Icann, accusant les Etats-Unis de colonialisme numérique. Des initiatives qui ont accru la confusion, créant des doublons avec ceux de l’Icann. « Cela fait près de 10 ans que nous avons présenté au président de l’Icann la technologie pour créer (des noms de domaines polyglottes) », a déclaré dans la presse S. Subbiah, inventeur d’une des premières normes de noms multilingues. « La réponse était, en gros : ‘’Je suis trop occupé, apprenez l’anglais’’ ». Selon lui, environ 2 millions des 138 millions de noms de domaines dans le monde contiennent des caractères non-occidentaux. Le premier président de l’Icann, Mike Roberts, a reconnu que l’organisation avait traîné les pieds : « Les ingénieurs ont pensé que mettre en place des alphabets non romains, avec toute cette croissance, allait déstabiliser l’internet et provoquer des pannes », selon lui. Des conflits politiques ont ralenti le processus. Certains pays ont contesté le rôle du registre américain VeriSign qui gère tous les domaines en « .com », soit la moitié des sites mondiaux. Avec aussi d’autres questions délicates : quel organisme pour gérer les sites dont les langues sont utilisées dans plusieurs pays ? Certains pays ne vont-ils pas en profiter pour renforcer la censure ? Les caractères différents ont même servi à des fraudes, avec l’utilisation d’un « a » russe, identique au « a » occidental, mais correspondant à un code informatique différent pour créer un faux site de micropaiement Paypal. watan